3ème réunion du Conseil régional de Bretagne – Avril 2013
Intervention de Madame Sylvie GUIGNARD
Conseillère régionale de Bretagne
Monsieur le Président, Chers collègues,
Nous entrons dans la première phase de la procédure qui doit nous conduire à l’adoption du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux du bassin Loire Bretagne 2016/2021.
A ce stade, ces orientations très générales se posant sous forme de questionnement, le temps n’est pas venu de se prononcer sur le fond. Je me contenterai donc de quelques réflexions.
Une remarque préalable, je regrette que le document « synthèse provisoire adoptée par le comité de bassin le 5 juillet 2012 » et publié en octobre ne soit pas joint au rapport. C’est un document très pédagogique qui aurait pu éclairer utilement nos collègues ne participant pas à la Commission environnement.
En 2009, la majorité régionale avait émis beaucoup de réserves sur le SDAGE 2010/2015, ce qui vous avait conduit de facto à voter contre ce projet. Certains élus de la majorité s’étaient même avancés à réclamer le retrait de la Bretagne du SDAGE Loire Bretagne au nom de la spécificité de notre région.
Il y a en France six agences de l’eau, correspondant à six bassins hydrographiques. Cette organisation est fondée sur des données géographiques incontestables. A l’intérieur de chaque bassin, il y a certes des spécificités. Si tous les territoires demandent à sortir de leur agence au nom de leurs particularités géographiques, c’est l’architecture même de la gestion des eaux qu’il faut remettre en cause dans notre pays. Pourquoi pas mais il faut le dire.
Pour notre part et je l’avais souligné lors du budget primitif nous considérons que l’actuel article 201-1 du Code de l’environnement définit bien les contours du sujet « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général ».
A ce titre, il permet à la Bretagne compte tenu de la spécificité de son territoire hydrographique, de bénéficier d’une part de la solidarité de l’Agence de Bassin et d’autre part de l’Etat pour la lutte contre les algues vertes. L’actualité récente vient encore de nous le rappeler.
Aussi remettre en cause ces principes me paraît hasardeux voire dangereux.
Le document que vous présentez comporte trois considérations qui attirent notre attention.
D’abord le droit à l’expérimentation. Vous connaissez notre position sur ce sujet : nous estimons que cette expérimentation n’est pas aujourd’hui une priorité pour notre collectivité. Pour couper court à votre argument, ce n’est pas parce que le Président de ROHAN, que vous appelez à chaque fois à la rescousse, a souhaité l’expérimentation il y a plus de quinze ans que nous sommes liés par cette demande. En quinze ans, excusez-moi du jeu de mot facile, il y a eu de l’eau à couler sous les ponts et je ne suis pas du tout sûre que Josselin de ROHAN réclamerait aujourd’hui ce droit à l’expérimentation. Il y a aujourd’hui d’autres priorités autrement plus urgentes pour la région. Les Bretonnes et les Bretons attendent plus un engagement fort de la Région en faveur de l’emploi et de l’économie plutôt qu’elle s’empare de la gestion de l’eau.
Enfin sur cette expérimentation, je ne vous poserai Monsieur le Président qu’une seule question : êtes-vous prêt à assumer devant les Bretons les conséquences de l’art 22 de la future ou ex-future loi de décentralisation ? Je cite : « les collectivités territoriales et leurs groupements supportent les conséquences financières des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne à l’encontre de l'État, en application des articles 258 à 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, pour tout manquement au droit de l’Union européenne qui leur est imputable en tout ou en partie. Les charges correspondantes constituent des dépenses obligatoires au sens de l’article L. 1612-15 ». En bon français cela signifie qu’en demandant l’expérimentation vous allez mettre au dessus de la tête de la région le couperet des amendes européennes qui peuvent nous tomber dessus. Libre à vous de vous engager dans cette voie. Pour notre part nous ne ferons jamais courir un risque pareil aux Bretons avec en plus des résultats des plus hypothétiques.
Deuxième point, vous estimez, je vous cite « que les pistes de réflexion proposées aujourd’hui ne permettent pas de répondre à l’insuffisance des mesures de réductions des pollutions agricoles ». Outre le caractère stigmatisant de ces propos, vous dites qu’il va falloir mobiliser des « nouveaux leviers ». De quel levier s’agit-il ? bien sûr de la « fiscalité ».
Voilà encore une illustration de la méthode socialiste : à tout problème ou supposé problème vous créez un impôt nouveau. Chaque jour, nous voyons les effets dramatiques de la crise que traverse la filière animale de l’agriculture bretonne. Et vous nous expliquez qu’il faut encore créer des impôts nouveaux tout en alourdissant les normes et contraintes qui pèsent déjà sur ces professions. Bien qu’irresponsable cette position n’est malheureusement pas une surprise pour nous. Lorsqu’en 2011, vous avez présenté et voté votre Nouvelle Alliance agricole nous présentions les dérives possibles de ce texte.
CQFD, vous demandez maintenant que les orientions de la Nouvelle alliance soit intégrées dans le SDAGE. Peu de personnes en 2011 avaient fait le lien entre la Nouvelle Alliance agricole et la Stratégie régionale de gestion des eaux et des milieux aquatiques, textes présentés lors de la même session.
Maintenant, pour ceux qui avaient encore des doutes, les choses ont le mérite d’être claires. Vous considérez l’agriculture comme un sous produit des politiques environnementales. Orientation irresponsable dans le contexte que traverse l’agriculture bretonne. En s’abstenant sur votre texte au CESER la profession agricole vous adresse un message. Il est encore temps d’entendre ces professionnels qui grâce à des investissements comme aucune autre profession n’en a réalisés, a participé à réduire sensiblement les apports en nitrates dans les eaux de surface.
Ma dernière réflexion portera sur la gestion régionalisée des crédits de la PAC. Permettez-moi chers collègues de vous rafraîchir la mémoire. Notre groupe n’a pas oublié que cette proposition était contenue dans vos promesses électorales de 2010. Sous la rubrique « environnement », vous demandiez la régionalisation des crédits de la PAC pour les réorienter vers les politiques en faveur de la reconquête de la qualité de l’eau. Nous avons dénoncé et continuerons à dénoncer ce que nous considérons comme un véritable « hold up » des fonds européens.
Vous avancez à « pas de loup » avec la régionalisation du second pilier de la PAC. Je vous rappelle que ce dernier ne concerne pas que les mesures agroenvironnementales, mais aussi la compétitivité, la diversification et le développement des territoires ruraux. La référence que vous faites au second pilier de la PAC nous incite à la plus grande vigilance sur la manière dont ces fonds seront utilisés.
Monsieur le Président, vous avez des interrogations sur les premières orientations du SDAGE et tout en émettant un avis favorable, vous demandez que vos propositions soient prises en considération.
Tout en étant favorable au SDAGE, notre groupe est en opposition avec les réserves que vous émettez allant vers toujours plus de contraintes, de normes, de réglementations et de fiscalité. Tout cela ne va pas dans le sens d’un certain « choc de simplification ».
Je vous remercie